De nouvelles données remettent en question les directives sur l'étouffement
- il y a 5 jours
- 5 min de lecture
Une vidéo récente documentant l'intervention de deux policiers lors d'un incident d'étouffement impliquant une jeune fille a suscité une discussion intéressante au sein de la communauté médicale et parmi les premiers intervenants. Les agents, utilisant principalement des tapotements interscapulaires sur une fillette de plus d'un an, ont pu résoudre avec succès l'obstruction. Ce cas soulève une question : les tapotements interscapulaires, même lorsqu’ils sont utilisés comme technique prédominante, peuvent-ils être efficaces pour résoudre les épisodes d’étouffement chez les enfants plus âgés ? Et que nous disent les données scientifiques récentes à ce sujet ?
Directives actuelles : sont-elles toujours à la pointe de la technologie ?
Les lignes directrices 2020 de l’American Heart Association (AHA) [1] recommandent une séquence d’interventions qui varie selon l’âge. Pour les enfants de plus d'un an, la séquence débute par 5 tapes dans le dos suivies de 5 poussées abdominales (manœuvre de Heimlich), en alternant ces techniques jusqu'à résolution de l'obstruction. Pour les nourrissons de moins d’un an, 5 tapes dans le dos suivies de 5 compressions thoraciques sont recommandées. Ces protocoles ont été élaborés sur la base des meilleures preuves disponibles au moment de leur formulation et représentent un point de référence fondamental pour la pratique clinique.
À mesure que la recherche scientifique évolue, il est naturel que de nouvelles données émergent qui peuvent compléter et enrichir ces recommandations. Il est important d’examiner comment de nouvelles données probantes peuvent nous aider à mieux comprendre l’efficacité relative des différents composants de la séquence recommandée.
Ces lignes directrices sont certainement bien intentionnées, mais une question légitime se pose : dans quelle mesure sont-elles à jour par rapport aux données les plus récentes ? Et surtout, dans quelle mesure sont-elles étayées par des données provenant de populations réelles plutôt que par des avis d’experts ou des modèles théoriques ?
Ce que disent les dernières études
Le paysage de recherche sur les techniques de suppression d’obstruction s’enrichit de nouvelles études qui fournissent des informations précieuses sur l’efficacité de différentes manœuvres. Une étude de cohorte récente menée en Alberta, au Canada (Dunne et al., 2024) [4] a analysé 3 677 cas d’obstruction des voies respiratoires, produisant des résultats intéressants :
Les tapes sur l’épaule étaient associées à un taux de réussite significativement plus élevé dans l’élimination de l’obstruction que les poussées abdominales (manœuvre de Heimlich) et les compressions thoraciques.
Les chercheurs ont calculé le risque relatif d’échec pour chaque technique, en tenant compte de divers facteurs de confusion (tels que l’âge, les conditions préexistantes et la gravité de l’obstruction). Ils ont découvert que les poussées abdominales avaient environ deux fois moins de chances de réussir que les tapes sur les épaules.
Les compressions thoraciques ont montré des résultats encore plus limités, avec un taux de réussite de seulement 14 % par rapport aux tapes dans le dos.
Aucune blessure associée aux gifles interscapulaires n'a été enregistrée, tandis que les compressions abdominales et thoraciques ont entraîné des complications dans plusieurs cas.

Ces résultats ont été considérés comme significatifs, à tel point qu'un article de commentaire récent (Norii et Igarashi, 2024) [5] les a qualifiés de « preuves importantes », suggérant que la recherche sur l'obstruction des voies respiratoires fait des progrès significatifs dans la compréhension de l'efficacité relative des différentes techniques.
Ce n'est pas un cas isolé
L’étude canadienne s’ajoute à d’autres recherches qui contribuent à une compréhension plus complète de ce sujet. Une revue systématique des interventions visant à éliminer les corps étrangers des voies respiratoires (Couper et al., 2020) [3] avait déjà souligné l’importance de continuer à développer les preuves à l’appui des différentes techniques de dégagement des voies respiratoires, soulignant la nécessité d’études de haute qualité sur ce sujet crucial.
Une étude antérieure en milieu préhospitalier (Vilke et al., 2004) [2] a également révélé que parmi les interventions utilisées par les parents, les tapes dans le dos étaient parmi les plus courantes (12 %), suggérant que cette technique était déjà largement utilisée dans la pratique réelle , confirmant son acceptation et son applicabilité dans le contexte des urgences quotidiennes.
Implications pratiques : est-il temps de changer ?
Les nouvelles données offrent des perspectives intéressantes qui peuvent enrichir notre compréhension des protocoles actuels. En particulier:
Les tapes dans le dos devraient-elles jouer un rôle plus central dans le protocole ? Données de l’étude de Dunne et al. suggèrent que cette technique pourrait être particulièrement efficace et sûre , méritant peut-être une plus grande attention dans la formation des sauveteurs.
La séquence actuelle des interventions est-elle appropriée ? Les lignes directrices recommandent d’alterner les tapes dans le dos et les compressions, mais si les premières sont particulièrement efficaces, comme le suggère l’étude canadienne, il pourrait être utile d’envisager de mettre davantage l’accent sur cette technique dans l’entraînement.
La différenciation des techniques secondaires en fonction de l’âge est-elle toujours justifiée ? Les directives actuelles différencient correctement l’approche en fonction de l’âge, mais il pourrait être intéressant d’explorer davantage l’efficacité relative des tapes sur l’épaule dans différents groupes d’âge.
Dans quelle mesure les études sur la population réelle peuvent-elles contribuer à améliorer les lignes directrices ? L’étude canadienne fournit des données de cas réels , ce qui constitue une contribution précieuse à l’amélioration continue des recommandations fondées sur des données probantes.


Plaidoyer pour une approche plus flexible
La vidéo montrant des policiers tapotant avec succès le dos d’une fillette d’un an est un exemple concret de la façon dont, dans la pratique, l’accent mis sur les tapotements dans le dos peut conduire à des résultats positifs. Cet épisode, ainsi que les données issues d’études récentes, suggèrent l’importance d’accorder une attention particulière à cette technique.
Les directives actuelles reconnaissent déjà la valeur des tapes dans le dos en les incluant dans la séquence recommandée. L’expérience documentée dans la vidéo et les nouvelles preuves scientifiques renforcent l’importance de cette composante du protocole et suggèrent qu’une attention particulière à cette technique pendant la formation pourrait être bénéfique.
Conclusions : Équilibrer tradition et innovation
La médecine fondée sur des données probantes évolue continuellement, intégrant de nouvelles connaissances aux protocoles établis. Les preuves récentes sur l’efficacité des tapotements interscapulaires représentent une contribution importante à cette évolution.
Les directives actuelles de l’AHA, qui incluent déjà les tapes dans le dos dans la séquence recommandée pour tous les âges, fournissent une base solide pour la gestion de l’obstruction des voies respiratoires. Les études récentes ne contredisent pas ces recommandations, mais enrichissent plutôt notre compréhension de l’efficacité relative des différents composants du protocole.
Pour les professionnels de l’urgence, les parents et toute personne susceptible d’être confrontée à une situation d’urgence liée à un étouffement, ces études soulignent l’importance de maîtriser la technique des tapes dans le dos et de porter une attention particulière à leur exécution correcte, tout en suivant la séquence complète recommandée par les lignes directrices.
L’épisode documenté dans la vidéo et les études récentes nous rappellent que la science médicale est en constante évolution. Alors que nous continuons à suivre les directives établies, il est important de rester ouvert aux nouvelles preuves qui peuvent nous aider à affiner davantage nos pratiques pour sauver des vies dans les situations d’urgence.
Bibliographie
1. (https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/33081530) Partie 1 : Résumé : Lignes directrices 2020 de l'American Heart Association pour la réanimation cardio-pulmonaire et les soins cardiovasculaires d'urgence
2. (https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/15060856) Obstruction des voies respiratoires chez les enfants de moins de 5 ans : l'expérience préhospitalière
3. (https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/32949674/) Élimination de l'obstruction des voies respiratoires par un corps étranger : une revue systématique des interventions
4. (https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/38825222/) Évaluation des interventions de base de maintien des fonctions vitales en cas d'obstruction des voies respiratoires par un corps étranger : une étude de cohorte basée sur la population
5. (https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/38964448/) Des preuves tant attendues sur les tapes dans le dos par rapport aux poussées abdominales
Comments