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Secours héliporté alpin : seulement 10% des sauvetages sont vraiment critiques

  • il y a 17 heures
  • 4 min de lecture

Le défi d'aujourd'hui est de distinguer ce qui est urgent de ce qui ne l'est pas.


Chaque été, des millions de personnes montent au-dessus de 2 500 mètres dans les Alpes pour vivre l'émotion de la montagne. Mais quand quelque chose tourne mal, qui doit payer la facture ? Et surtout : vaut-il la peine de risquer la vie des sauveteurs pour ceux qui ont consciemment choisi d'affronter la montagne ?

Une étude récente publiée dans le Scandinavian Journal of Trauma, Resuscitation and Emergency Medicine a analysé plus de 3 500 missions de secours héliporté en Suisse, révélant des données surprenantes qui relancent le débat sur l'un des sujets les plus controversés de la médecine d'urgence moderne.

La recherche montre qu'environ 40 millions de touristes visitent annuellement des altitudes supérieures à 2 500 mètres dans les Alpes. Parmi ceux-ci, un pourcentage croissant finit par nécessiter l'intervention du secours héliporté. Mais voici la donnée qui fait réfléchir : seulement 1 personne sur 10 parmi celles secourues est réellement en danger de mort.


L'échelle NACA : mesurer la gravité en montagne


Pour comprendre l'ampleur du phénomène, il est nécessaire de se familiariser avec l'échelle NACA (National Advisory Committee for Aeronautics), système universellement utilisé pour classer la gravité des patients dans le secours pré-hospitalier. L'échelle va de 0 (personne non blessée) à 7 (décédé pendant l'intervention), où les scores 4-6 identifient les patients en grave danger de mort nécessitant des interventions médicales avancées immédiates.


L'anatomie du secours alpin : des chiffres qui surprennent


L'analyse des 3 564 missions menées par Swiss Air Ambulance entre 2011 et 2021 révèle un paysage épidémiologique inattendu. 66,8% des secours concernent des hommes adultes, principalement engagés dans des activités estivales. Mais c'est la répartition de la gravité qui surprend : 88,1% des patients présentent des blessures mineures ou sont complètement indemnes (NACA 0-3), tandis que seulement 9,4% sont dans des conditions critiques (NACA 4-6).

La donnée la plus significative concerne les missions avec treuil : 35,3% du total, avec des patients non blessés représentant près de 20% de ces interventions complexes. Ce schéma souligne comment de nombreuses opérations ont un caractère préventif plutôt que vital.

L'étude identifie trois facteurs qui influencent significativement les temps opérationnels : la gravité du patient (échelle NACA), l'utilisation du treuil et, étonnamment, la saisonnalité des traumatismes. Les patients traumatisés en été nécessitent des temps de séjour sur scène significativement plus longs (de 38,2 à 46 minutes), probablement en raison de la plus grande complexité des interventions possibles dans des conditions de meilleure accessibilité.


Le paradoxe de la médecine préventive


Les auteurs définissent beaucoup de ces missions comme ayant un "caractère préventif" : elles préviennent la détérioration due à l'exposition environnementale, l'hypothermie, l'épuisement ou les accidents secondaires. Mais cette approche soulève des questions profondes.

Le risque d'accidents pour les équipages HEMS est documenté comme étant supérieur par rapport aux services terrestres [2], un élément qui doit être considéré chaque fois qu'une intervention héliportée est décidée. Émerge ainsi un paradoxe éthique : est-il acceptable d'exposer les sauveteurs à des risques pour évacuer des personnes qui ont volontairement choisi des activités à haut risque ?

L'évolution temporelle montre une tendance préoccupante : une augmentation significative des missions pour des patients avec des blessures mineures, reflétant ce que certains chercheurs définissent comme le passage de "la médecine de sauvetage" à "la médecine de confort". Cette tendance peut conduire à une plus grande insatisfaction et à l'ennui (boreout) parmi le personnel HEMS et soulève des questions sur la durabilité du système.


Vers un nouvel équilibre : responsabilité partagée


Le défi n'est pas d'éliminer le secours en montagne - universellement reconnu comme un droit fondamental - mais d'optimiser les protocoles opérationnels. Les auteurs proposent des stratégies innovantes : étendre le rôle des services de secours non médicaux, introduire des niveaux de réponse intermédiaires, affiner les protocoles de triage en considérant non seulement la gravité clinique mais aussi le risque environnemental.

Les 9% de patients gravement blessés justifient pleinement l'existence de services HEMS spécialisés. La question est de savoir comment préserver ces ressources critiques pour ceux qui en ont vraiment besoin, tout en développant des alternatives sûres pour les situations moins critiques.


Au-delà de la polémique : vers une montagne plus sûre et responsable


La recherche suisse ne fournit pas de réponses définitives mais offre des données pour un débat plus mature. La montagne continuera d'attirer des millions de personnes, et le droit au secours reste inviolable. Cependant, les chiffres suggèrent la nécessité d'un nouveau pacte entre les usagers de la montagne, les sauveteurs et la société.

Peut-être le vrai défi n'est-il pas de décider s'il faut secourir, mais comment le faire de manière plus intelligente : en investissant dans la prévention, l'éducation et les technologies qui réduisent la nécessité d'interventions risquées, préservant les ressources les plus précieuses - équipages et moyens spécialisés - pour ceux qui en ont désespérément besoin.

La montagne enseigne que chaque choix a des conséquences. Il est temps que cette leçon s'applique aussi à la façon dont nous concevons l'avenir du secours alpin.


Un avenir plus efficace est possible !


Aujourd'hui, distinguer entre urgences réelles et situations évitables est l'un des défis les plus complexes du secours héliporté. L'IA et des outils comme EMSy, déjà utilisés en milieu pré-hospitalier, naissent précisément avec l'objectif de soutenir le personnel sanitaire dans les moments les plus critiques.


Une aide supplémentaire pour prendre de meilleures décisions, où chaque seconde compte.



Bibliographie


  1. Klocker E, et al. High-altitude HEMS missions—a retrospective analysis of 3,564 air rescue missions conducted between 2011 and 2021. Scand J Trauma Resusc Emerg Med. 2025;33:97.

  2. Bledsoe BE, Smith MG. Medical helicopter accidents in the United States: a 10-year review. J Trauma. 2004;56(6):1325-8.

 
 
 

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